2012
Présentation du travail d'Anne Paris par l'historienne Annette Becker au colloque de clôture de l'exposition 1917 au Centre Pompidou-Metz.
www.centrepompidou-metz.fr/colloque-1917-et-apres
Présentation du travail d'Anne Paris par Jean-Yves Jouannais au Centre Pompidou à l'occasion de ses conférences-performances
« L'Encyclopédie des guerres »
2011
. Dialogue avec Jean-Yves Jouannais sur le thème « Les femmes et la guerre », au Centre d'art Ianchelevici, Maisons-Laffitte
2007
. Bibliothèque Nationale de France : participation au colloque animé par Fabrice Bousteau, directeur de la rédaction de Beaux-Arts Magazine sur le thème des artistes face au patrimoine, avec Odile Duboc, chorégraphe, Georges Lavaudant, metteur en scène, Pascal Picq, paléoanthropologue .
http://classes.bnf.fr/rendezvous/actes/5/program5.pdf
Table ronde BnF :
Intervention de Anne Paris, artiste plasticienne
« L’expert de la maison mère (…) tout m’éloigne de mon père grâce à qui j’ai ce goût amer », chanson « Métèque » de Joey Starr (IMAGE)
Dans cette phrase de Joey Starr, avec ses jeux de mots entre père, mère et acquis, tout est dit sur ce que j’ai envie d’évoquer sur le sujet qui nous occupe, sur ce qui anime mon rapport au patrimoine.
Dès le début, voilà, pas de mystère, je vous délivre mon secret de fabrication : l’amour et la colère face au père.
Le patrimoine, c’est littéralement les biens transmis par le père. Travailler à partir du patrimoine, c’est donc agiter la question de l’autorité, de l’héritage, de l’identité, pourquoi pas nationale, et des affaires de famille, dans un moment où toutes ces notions sont sérieusement remises en cause.
D’abord quelques mots pour vous expliquer pourquoi le patrimoine est devenu ma cour de récréation.
Tout d’abord, par mon parcours universitaire. J’ai fait l’ENA, que je regarde presque comme un morceau de patrimoine : tout notre code génétique français y est inscrit, mêlant méritocratie, aristocratie, raison, goût de l’étiquette, sens aigu du mépris, … Passer par l’appareil d’Etat a fait de moi une autochtone du patrimoine, abreuvée de ses signes extérieurs : étiquette, pompe et ors de la république.
Puis par ma vie intime. Je me suis mariée avec Boris, architecte bosniaque, qui a combattu et survécu au siège de Sarajevo. Il a perdu son père et jusqu’au nom même de son pays. De son patrimoine reste des souvenirs et quelques objets installés dans notre maison : une petite étoile en émail rouge, de son calot de soldat de l’armée yougoslave, d’avant la guerre civile, et aussi une pierre de la Vijecnica, leur grande bibliothèque, autrefois remplie d’incunables, ravagée par les bombes serbes.(IMAGE) Mon regard sur notre patrimoine à l’allure éternelle, s’en est trouvé transformé.
Souvent perçu comme froid et lointain, le patrimoine est donc avant tout pour moi une affaire intime, familière et familiale. Ce sont tout à la fois sa violence, son côté grotesque, ses fastes qui m’attirent.
Maintenant, après le pourquoi, le comment ! Le plus parlant est de vous présenter de mon exposition aux Archives nationales, intitulée « Détournement de fonds publics ».
Elle a pris la forme d’un triptyque, avec des couples formés entre mes œuvres et des pièces exceptionnelles conservées par les Archives nationales, unis par de véritables légendes, à la fois historiques et poétiques, assemblées par l’écrivain Marianne Costa.
Ici, ce sont ces textes, façonnés sur mesure, éclairant mes intentions, qui donnaient les secrets de fabrication.
Ainsi on a pu voir ce « Protège-dents », posé sur une extraordinaire table : l’ex-bureau du roi Louis xv, transformé en civière pour un Robespierre déchu, à la mâchoire brisée. En plus, ce dernier a eu droit à une citation d’une chanson de Boris Vian « une bonne paire de claque dans la gueule et ça me consolera ma chérie de soirs où tu maniais le rouleau à pâtisserie ». Ici, c’est le côté oncle excentrique, sado-maso, du personnage de Robespierre que j’avais envie de souligner. (IMAGE)
Pour « Le véritable crâne de Napoléon enfant », qui vous apparaît sans doute comme un lointain parent de mon ami Joey ou de Toutankhamon, il est marié au testament de Napoléon, alors très diminué. C’est un jeu sur la relique mais aussi le portrait d’un père de la nation réduit dans tout les sens du terme à un enfant colérique. (IMAGE)
Pour « Pièges à convictions », ce sont des yeux de loup scellés qui fixent la fiche établie par les Renseignements généraux français, sur un Hitler jugé inoffensif ; La légende : un extrait d’une encyclopédie traitant des champignons consacré à l’espèce dite Morille du diable ou Satyre puant. (IMAGE)
Pour « Colis piégé », précieux amas de débris humains scellés, il est associé à une déclaration des droits de l’homme gravée sur cuivre et pilonnée au moment de la Terreur révolutionnaire. Des citations de presse relatives au bombardement du grand marché de Sarajevo évoquent la raison d’Etat, pratiquée ici par un président, parfois qualifié d’oncle. (IMAGE)
Dans toutes ces oeuvres, on peut dire que la dérision, la colère sont là, dans la forme plastique ou dans l’intention mais pas seulement. L’adoration y est tout autant, elle se manifeste à travers le choix de matières et de coloris précieux et délicats, bleu de porcelaine, or raffiné, cire rouge et lustrée. (IMAGE) C’est peut-être le règne de l’horreur mais je la souhaite belle.
Voilà donc quelques exemples de cette exposition OVNI, avec l’engagement d’une conservatrice, Ariane James-Sarazin, qui m’a choisi,alors que je ne suis pas une artiste « officielle » pour chahuter l’Institution, dont je suis issue.
Aujourd’hui, l’aventure prend une autre allure, pas de volume ou de sculpture, mais le retour à la seule peinture, sur le thème des cartes de géographie, encore un instrument de pouvoir, toujours entre amour et haine, cieux bleu azur et mercenaires gonflés à la testostérone ; bref, une vraie addiction !
Les dangers pour l’artiste :
Ils ne peuvent venir de la seule transmission des secrets de fabrication, car je ne suis pas dans un processus artisanal ou industriel. Décortiquer mon processus créatif, notamment pour cette table ronde ne fait que le renforcer : merci !
J’espère m’écarter du danger du seul iconoclasme par l’amour quasi filial qui me pousse à utiliser le patrimoine comme lego.
Par contre, le danger auquel je me confronte en dialoguant avec le patrimoine, c’est de rester dans son ombre tutélaire, pour continuer dans le registre freudien, la petite fille incestueuse, écrasée par la beauté d’un patrimoine, où le temps n’a trié que le meilleur. Il faut réussir à tuer le père pour faire ses propres enfants.
Leurre pour le public :
Les réactions à mes dernières expositions ont été pour le moins animées, enthousiasme, avec une tendance au vol de cartel illustré ou de brochure mais aussi scandale :quelques commentaires : « art dégénéré », « véritable Hippopotamus », menaces de procès, de nombreuses lettres de protestation adressées aux conservateurs, …
Souvent le public du patrimoine vient pour le patrimoine. Ainsi, celui des Archives nationales vient voir les dorures de l’hôtel de Soubise, pas pour sentir en peinture que c’est là que la Saint-Barthélemy s’est décidée ou tout simplement pour découvrir un artiste contemporain qui les titille sur leur père abusif ou absent. (IMAGE)
C’est là que le rôle des conservateurs, des commissaires d’expositions prend tout son sens, ainsi que celle des enseignants, médiateurs culturels ou journalistes.
Pourtant, porter ce regard, intime, sur les biens du père, me paraît vital.
De toute façon, comme disait Rilke, je ne peux pas faire autrement. Finalement, voici le seul secret de fabrication, précieux et périlleux !
2006
. Musée de Tulle : participation à un colloque sur les rapports entre Art et Etat, avec le peintre Henri Cueco .
2003
. Centre National des Arts Plastiques : sélection dans « les 25 événements du Calendrier de l'Art Contemporain »